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MPS II, une nouvelle stratégie thérapeutique

Dans la maladie de Hunter (MPSII), l’enzymothérapie substitutive, traitement spécifique apportant par voie intraveineuse l’enzyme IDS (Iduronate sulfatase) qui fait défaut aux malades, permet une diminution de la surcharge des GAG (glycosaminoglycanes) dans les cellules de différents organes du corps. Cependant, l’enzyme perfusée ne passe pas la barrière naturelle protectrice du cerveau (barrière hémato-encéphalique ou BHE) et ne peut donc pas agir sur les cellules du cerveau.

Lors du dernier congrès international des maladies lysosomales (WORLD – Orlando – 10/13 février 2020) auquel VML a pu assister, des chercheurs ont présenté les résultats d’une stratégie thérapeutique basée sur la conception d’une protéine de fusion pour apporter l’enzyme aux cellules du cerveau. L’idée est d’associer à l’enzyme IDS un fragment d’une autre protéine qui a la capacité de s’accrocher à un récepteur se trouvant à la surface de la BHE. Ce récepteur pourrait transporter la protéine de fusion à travers la barrière, permettant ainsi le passage de l’enzyme IDS jusqu’au cerveau.

Résultats d’études précliniques

Les chercheurs de la société de biotechnologie Denali Therapeutics, ont présenté leurs résultats précliniques (chez l’animal). Le nom de recherche de cette protéine de fusion est ETV:IDS (pour Enzyme Transport Vehicle : IDS), et son nom de développement industriel est DNL310).

Afin de prouver que cette approche permet l’apport de l’enzyme dans les types cellulaires majeurs du cerveau, les chercheurs ont perfusé chez des souris MPS II, l’ETV:IDS en intraveineux, une fois par semaine durant quatre semaines, à différentes concentrations.

Dans une première étape, ils ont constaté la présence de l’ETV:IDS ainsi qu’une diminution de la surcharge en GAG dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien et aussi dans le foie et la rate. Chez les souris MPS II perfusées par l’enzyme IDS classique, a présence de l’enzyme et les changements en surcharge des GAG dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien n’étaient pas retrouvés. La maladie MPS II induit également dans le cerveau une surcharge dite secondaire (par réaction en cascade) de lipides. Cette accumulation était également corrigée chez les souris traitées par ETV:IDS.

Les chercheurs ont ensuite isolé les neurones, les astrocytes et les cellules de la microglie, afin d’étudier la présence et l’action de l’ETV:IDS sur ces 3 types cellulaires majeurs du cerveau. L’ETV:IDS était bien retrouvée ainsi que la diminution en surcharge des GAG pour chacune. L’étude des cellules de la microglie a permis de montrer que l’ETV:IDS corrigeait la présence importante d’un marqueur de l’activation de ces cellules (CD68) ainsi que la variation dans l’expression de gènes liés à l’inflammation et à l’équilibre (homéostasie) du fonctionnement des lysosomes.

En outre, les chercheurs ont constaté dans le liquide céphalo-rachidien des souris traitées par ETV:IDS, une diminution de la quantité en NfL qui est un marqueur de la dégénérescence des neurones (plus spécifiquement de l’axone des neurones).

En conclusion, la protéine de fusion ETV:IDS permet de favoriser l’apport d’enzyme IDS au cerveau des souris MPS II. Cet apport se traduit par une diminution des différents substrats accumulés et une correction de marqueurs consécutifs à la maladie (dégénérescence des neurones, inflammation neuronale). Sur le temps alloué à leur présentation, les chercheurs n’ont malheureusement pas montré quel était l’impact de ces corrections cellulaires sur l’expression des symptômes cliniques.

Présentations orales par AG Henry et JC Ullman

Sur le site de déclaration des essais cliniques (Clinical Trial), Denali Therapeutics prévoit le lancement d’un premier essai clinique aux Etats-Unis courant 2020. Cet essai de phase I-II, a pour but principal d’évaluer la sécurité de ce traitement. Les patients MPS II devront être âgés de 2 à 18 ans et recevront une dose croissante de ETV:IDS (DNL 310) par perfusion intraveineuse toutes les semaines, sur une période de 24 semaines.

Résultats d’essais cliniques

Le laboratoire pharmaceutique japonais JCR Pharmaceuticalsa, quant à lui, montré les résultats de son essai clinique de phase II mené au Brésil (Présentation orale par R Giugliani), et les résultats intermédiaires de son essai clinique de phase II-III actuellement en cours au Japon (Présentation orale par T Okuyama).

Leur protéine de fusion, dénommée JR-141, avait préalablement fait l’objet d’un essai clinique de phase I-II au Japon, afin d’évaluer la sécurité et la dose de tolérance du traitement. Deux patients avaient reçu chaque semaine par voie intraveineuse, durant quatre semaines, une dose différente de JR-141 (0,01 mg/kg; 0,1 mg/kg; 1 mg/kg et 2 mg/kg). Ces doses ayant été bien tolérées, deux groupes de 6 patients avaient été constitués. Durant 4 semaines, JR-141 était perfusée chaque semaine à la dose de 1 mg/kg aux patients du premier groupe et à celle de 2 mg/kg aux patients du second groupe. L’étude concluait à une bonne tolérance du traitement à ces doses et sur cette période. En outre, après trois semaines de traitement, la concentration en héparane sulfate avait significativement diminué dans le liquide céphalo-rachidien (liquide « baignant » la moelle épinière et le cerveau).

L’essai clinique de phase II qui s’est déroulé au Brésil, avait pour but premier d’évaluer la sécurité du traitement sur une période plus longue (26 semaines) et à trois doses différentes (1 mg/kg ; 2 mg/kg et 4 mg/kg). Au total 20 malades ont été inclus, ayant une forme sévère ou modérée de la maladie, naïfs de tout traitement, ou en traitement depuis au moins 6 mois par enzymothérapie classique (impliquant alors un changement pour le traitement en évaluation).

Durant les 26 semaines, il a été estimé qu’aucun des effets indésirables sévères observés n’était lié au traitement. Les réactions à la perfusion ont été majoritairement constatées pour les patients du groupe recevant la plus forte dose (4 mg/kg/semaine). Ces réactions ont impliqué, pour cinq des sept patients du groupe, un arrêt provisoire de la perfusion et/ou la nécessité d’une médication complémentaire. Parmi les autres critères évalués, une diminution de la concentration en héparane sulfate dans le liquide céphalo-rachidien était observée à 26 semaines de traitement. Le groupe de patients recevant la plus faible dose avait une diminution moins importante (et pas chez tous) que celle constatée pour les deux autres groupes. Les cliniciens ont également évalué la différence entre le quotient de développement des enfants malades et celui d’enfants non malades du même âge. Sans traitement, l’évolution de la maladie accentue cette différence dans le temps. Dix enfants sur les douze évalués, ayant une forme sévère de la maladie, avaient une différence qui restait stable ou qui était améliorée à 26 semaines de traitement. Les quatre enfants évalués, ayant une forme modérée de la maladie, restaient stables ou s’amélioraient.

Par ailleurs, taille du foie et de la rate, concentration dans le sérum du dermatane sulfate diminuaient chez les patients initialement naïfs de traitement recevant les doses de JR-141 à 2 ou 4 mg/kg/semaine, et restaient stables pour l’ensemble des patients ayant préalablement été traités par l’enzymothérapie classique (qui agit au niveau périphérique).

La conclusion de cet essai est que le traitement est toléré jusqu’à une dose maximale de 4 mg/kg/semaine, la dose optimale étant de 2 mg/kg/semaine. L’administration en intraveineux de la protéine de fusion JR-141 permet d’obtenir une diminution de la concentration en héparane sulfate dans le liquide céphalo-rachidien, et différents éléments semblent indiquer une efficacité du traitement – à confirmer par un essai clinique international multicentrique de phase III, en cours de préparation pour les Etats-Unis, l’Europe et le Brésil.

L’essai clinique de phase II/III actuellement en cours au Japon a pour objectif premier d’évaluer l’effet du traitement sur la concentration en héparane sulfate dans le liquide céphalo-rachidien. D’autres objectifs dits secondaires sont prévus, pour évaluer l’effet du traitement sur certains marqueurs biologiques de la maladie et sur des éléments cliniques (endurance, déficience cognitive, trouble comportemental, amplitude articulaire…), ainsi que la tolérance au traitement. Au total, 28 patients participent à cette étude, dont 10 avaient déjà participé à l’essai de phase I/II au Japon (). Tous les patients reçoivent, une fois par semaine, une perfusion de JR-141 à la dose de 2 mg/kg. La durée totale prévue est de 52 semaines (un an). Les résultats intermédiaires présentés ont été obtenus après 26 semaines (6 mois) de traitement. A ce stade, l’ensemble des malades présente une diminution de la concentration en héparane sulfate dans le liquide céphalo-rachidien. Entre la fin du premier essai et le début du second, les 10 patients concernés ont durant un an repris le traitement par enzymothérapie classique. Lors de cette période, la concentration en héparane sulfate dans le liquide céphalo-rachidien avait à nouveau augmenté.

A 26 semaines, la fonction cognitive et les troubles comportementaux restent stables ou s’améliorent, le langage s’améliore chez la plupart. La concentration en héparane et dermatane sulfate ainsi que le volume du foie et de la rate restent stables chez les patients qui étaient traités par enzymothérapie, et diminuent chez les trois patients initialement naïfs de tout traitement.

Durant cette période, les effets indésirables sévères constatés (7) n’ont pas été liés au traitement.

En conclusion, les résultats intermédiaires sont positifs pour le critère premier de l’essai et le traitement semble dans l’ensemble bien toléré. L’effet thérapeutique du traitement observé à 26 semaines sur les symptômes neurologiques et les atteintes périphériques reste à confirmer par des résultats à plus long terme. Une demande d’autorisation de commercialisation du traitement au Japon est envisagée pour cette année.

[/Delphine GENEVAZ/]

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